Cette article vise à répondre à des préoccupations des travailleurs non-syndiqués et aussi de leurs employeurs en faisant un rappel de certaines dispositions législatives les concernant. En effet, dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire décrétée par le gouvernement[1], il est important de connaître ces dispositions législatives pour mieux évaluer la portée des décisions actuelles et à venir du Gouvernement du Québec et du Canada dans vos milieux de travail.
De prime abord, la nature de la relation entre le salarié et l’employeur prend naissance dans un contrat de travail entre eux, qu’il soit verbal ou écrit. Cette relation est légalement prévue par le Code civil du Québec. De plus, le Code civil oblige l’employeur de protéger la santé et la sécurité du salarié, de permettre l’exécution du travail et de payer la rémunération.
2087. L’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié.
La Loi sur la santé et sécurité au travail oblige aussi, l’employeur à prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur[2]
L’employeur peut également se doter d’une politique sur la présence au travail du personnel présentant des signes et symptômes de l’infection en contexte de pandémie. Les travailleurs devraient être informés de la conduite à suivre dès l’apparition des symptômes[3].
Le travailleur a aussi une responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique et de veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des autres personnes qui se trouvent à proximité des lieux de travail[4].
La Loi sur la santé et sécurité au travail permet à l’employeur de s’enquérir de l’état de santé d’un travailleur et de prendre les mesures appropriées. Par exemple, cette mesure pourrait être le congé forcé le temps que celui-ci ne soit plus contagieux. Dans un tel cas, le travailleur est placé en arrêt de maladie avec les dispositions applicables à toute maladie et il n’est pas apte au travail[5]. La Loi sur les normes du travail prévoit qu’un salarié (tel que défini par cette loi) a droit de s’absenter pour cause de maladie jusqu’à un maximum de 26 semaines sur une période de 12 mois[6] et il peut aussi avoir un congé pour raisons familiales (autre parent malade) de 10 jours par année civile[7]. Dans les deux cas, si le salarié est à l’emploi pour le même employeur depuis 3 mois, 2 journées d’absences sont payables.
La Loi sur la santé et sécurité au travail accorde au travailleur un droit de refus pour préserver sa santé, sa sécurité et celles des autres[8]. Ce droit lui permet de refuser d’exécuter un travail s’il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l’effet d’exposer une autre personne à un semblable danger.
Le travailleur doit aviser son employeur le plus tôt possible, ce dernier doit agir immédiatement et enclencher le mécanisme permettant d’analyser ce droit, ultimement une intervention d’un inspecteur de la CNESST pourrait être requise. Pendant cette analyse le travailleur continue d’être payé. L’employeur peut exiger que le travailleur qui a exercé son droit de refus demeure disponible sur les lieux de travail et l’affecter temporairement à une autre tâche qu’il est raisonnablement en mesure d’accomplir[9].
Ce travailleur ne peut cependant pas exercer ce droit si le refus d’exécuter son travail met en péril immédiat la vie, la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’une autre personne ou si les conditions d’exécution de ce travail sont normales dans le genre de travail[10].
L’employeur ne peut pas congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction pour le motif que ce travailleur a exercé son droit de refus[11].
ISOLEMENT VOLONTAIRE
Les salariés en isolement volontaire à leur domicile ne sont pas forcément payés, c’est à la discrétion de l’employeur. Lorsque le salarié ne se rend pas disponible pour le travail, c’est ce dernier qui « choisit » de ne pas réaliser la prestation de travail. Ce choix constituant ainsi une demande de congé sans solde. Pour cette raison, rien n’oblige un employeur à rémunérer un salarié qui se place en isolement volontaire, même si cette recommandation d’isolement est demandée par le gouvernement. La demande n’étant pas obligatoire de s’absenter du travail. L’employeur peut aussi proposer d’autres moyens pour faire exécuter le travail, tel que le télétravail et le travail partagé.
ISOLEMENT FORCÉ À LA DEMANDE DE L’EMPLOYEUR
Lorsqu’un employeur interdit à un salarié de se présenter au travail en lui donnant l’ordre de rester à la maison en isolement, l’isolement devient obligatoire, alors que le salarié n’est pas diagnostiqué positif au coronavirus, serait dans l’obligation légale de le rémunérer[12]. Ce cas pourrait être vu comme étant une suspension administrative du contrat de travail par l’employeur. Si vous estimez que votre suspension était injustifiée, sachez que vous pouvez déposer une plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST). Il revient ultimement au Tribunal administratif du travail de déterminer si la suspension était justifiée[13].
Finalement pour des raisons économiques, l’employeur peut suspendre ses activités ou certaines de celles-ci. La Loi sur les normes du travail prévoit qu’un employeur doit donner un avis écrit[14] à un salarié (qui justifie plus de 3 mois de service continu) avant de mettre fin à son contrat de travail ou de le mettre à pied pour six mois ou plus. La mise à pied suspend temporairement le contrat de travail entre l’employeur et le salarié. Le salarié mis à pied peut donc être rappelé au travail. Il conserve son lien d’emploi pendant la durée de sa mise à pied et sa relation contractuelle est maintenue.
DURÉE DU SERVICE CONTINU | DÉLAI ENTRE L’AVIS ET LE DÉPART |
De 3 mois à un an | Une semaine |
1 à 5 ans | 2 semaines |
5 à 10 ans | 4 semaines |
10 ans ou plus | 8 semaines |
[1] https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/decret-177-2020.pdf?1584224223
[2] Article 51 de la Loi sur la santé et sécurité au travail
[3] https://www.cnesst.gouv.qc.ca/salle-de-presse/Pages/coronavirus.aspx
[4] Article 49 de la Loi sur la santé et sécurité au travail
[5] https://rbdavocats.com/le-covid-19-simplante-dans-les-relations-de-travail-ce-quil-faut-savoir/
[6] Article 79.1 de la Loi sur les normes du travail
[7] Article 79.7 de la Loi sur les normes du travail
[8] Article 12 de la Loi sur la santé et sécurité au travail
[9] Article 25 de la Loi sur la santé et sécurité au travail
[10] Article 13 de la Loi sur la santé et sécurité au travail
[11] Article 30 de la Loi sur la santé et sécurité au travail
[12] https://rbdavocats.com/le-covid-19-simplante-dans-les-relations-de-travail-ce-quil-faut-savoir/
[13] https://www.cnesst.gouv.qc.ca/salle-de-presse/Pages/coronavirus.aspx
[14] Article 82 et 82,1 de la loi sur les normes du travail